Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 Mar

A la cape

Publié par Patrick  - Catégories :  #vie à bord d'un bateau

Chaque jour qui passe doit avoir été rempli d’au moins une action, d’un geste qui, même anodin, fait que notre vie avance dans la direction voulue.

Toutefois notre chemin de vie traverse des perturbations qui nous obligent à nous mettre à la cape.

Ce n’est pas renoncer que de se mettre en position d’attente, sagement.

Offrir en partage nos tranches de vie joyeuses et heureuses nous oblige-t-il à taire nos instants de faiblesses ?

Toutes ces heures de vie que, inconsciemment, j’enferme dans des  casiers étanches en prenant soin de jeter les clés.

Parce que souvent, il est utile pour avancer de lâcher du lest.

Sur nos bateaux il est obligatoire de tenir un journal de bord, consigner chaque élément important, ce qui nous permet de garder une trace du passé.

 

Cette fois, je n’ai pas encore fermé la boîte.

 

Dimanche 23 décembre 2012.

Je reviens de la boulangerie avec un craquelin pour le petit déjeuner.

Suite aux pluies incessantes, le canal est en crue.

La passerelle qui permet d’accéder à notre bateau ne touche plus le ponton et se trouve à plus de quarante centimètres du sol.

Je monte à bord.

 Tout bascule en un instant.

Il manque des images, tout a été trop vite.

Marie a crié.

Elle ne peut me rejoindre la passerelle s’est détachée.

De mon côté c’est le silence, je ne dis rien.

Toutes mes communications semblent coupées, je suis à terre sur le côté à même le quai.

Très vite autour de moi, les choses s’organisent. Tous nos voisins de pontons sont là.

L’un apporte une bâche pour me protéger du froid, un autre une couverture de survie, ……….

Téléphone, gyrophares.

C’est bien, personne ne crie, juste une forte agitation.

Je suis un spectateur immobile, coupé de toute cette agitation.

Littéralement planté.

Juste concentré sur ce que je ressens.

 Je ressens une forte douleur dans le bas du dos comme un coup de poignard.

 Mon réflexe, pour me rassurer, un tout petit mouvement de mes orteils.

Je sais pourquoi.

Je ne communique presque pas.

Marie gère, en bon second elle a pris la barre, tout s’organise sans moi.

Autour de moi.

Frédéric, mon ami, est là.

Très vite il me pose les questions appropriées que nos formations de plongeurs nous ont inculquées.

Il me parle, je réponds par signe de plongée, il m’a compris.

Un pull en laine bleu qui sent bon, tout près de moi avec des sigles qui rassurent.

Des formes aussi. 

Ses seins sont justes sous mon nez.

Cela rassure des seins.

 

-          Monsieur vous m’entendez ?

-          Oui

-          Je suis le docteur Julie Leroy vous pouvez bouger ?

-          Non

-          Vous avez mal où ?

-          Au dos

-          Vous pouvez bouger les pieds ?

-          Oui,

Je joins le signe ok avec mes doigts.

D’autre mains m’ont déjà piqué, donné un sérum.

-          A trois ?

-          Un, deux, et trois

Plusieurs bras m’ont déposé délicatement dans une coquille.

-          On va faire le tour du quai là-bas pour éviter les escaliers.

-          Je reste à côté de lui.

Le pull bleu ne me quitte plus.

-          Ça va, Monsieur ?

-          Oui

Ils ont baissé les roulettes du brancard pour rouler sur le quai.

A chaque câble électrique qui traverse le quai je suis soulevé pour éviter d’être secoué.

Nous remontons la pente, passons sous la petite grue

Sous la grande grue trois gyrophares tournent, tout semble bleu. SMUR

 

 

Deux ambulances, une des Pompiers, l’autre  où est écrit S M U R en grosses lettres, la troisième est un véhicule de police.

Doucement la civière est glissée dans les rails à l’intérieur de l’ambulance, les pieds sont repliés.

Je suis attaché.

Le pull bleu suspend le baxter au plafond et me fixe un masque, léger sifflement de l’oxygène.

C’est bon.

Tous les véhicules partent ensemble. J’entends  les sirènes des trois véhicules hurler quand nous passons dans le tunnel sous la station essence.

Sur le pont notre ambulance déclenche la grande sirène.

J’ai droit au grand jeu !

-          Ça va ?

-          Oui

-          Nous arrivons bientôt à l’hôpital

C’est vrai que j’aurais pu m’en douter, mais bon.

Elle doit absolument rassurer.

Ras-su-ré, je sais que j’irai au bout du monde je suis  rassuré.

-          Merci

 

 

L’hôpital déjà.

URGENCES.

Georges Clooney n’est plus là ? Bon …… tant pis.

Blouses blanches, des rideaux, des boxes.

-          A trois ?

-          Un, deux, trois

Les pulls bleus m’ont  déposé sur un lit.

 

 

Blouse blanche avec un stéthoscope, mieux qu’un badge

-          Bonjour, je suis le docteur Margot Desmet, je  vais vous ausculter

-          Oui

-          Vous avez mal ?

-          Oui

-          Vous pouvez me montrer où ?

-          Dos, en bas

S’ensuit toute une batterie de questions.

J’ai brillamment répondu à toutes les questions !

 Y compris la fameuse question : sur une échelle de 1 à 10….

Encore une piqure, prise de sang, baxter, tention.

-          On va faire un scanner

-          D’accord

Une autre blouse blanche m’emmène avec le  lit.

Ascenseur, des portes encore des portes.

Je suis toujours étonné de voir le nombre de gens qui s’affairent dans un hôpital.

C’est rodé, orchestré.

Toute une armée de personnes rien que pour soi.

Habiter une grande ville a quand même du bon.

Des machines, de toutes sortes,

-          A trois ?

-          Un, deux, et trois.

C’est plus froid.

Je passe dans un tunnel.

C’est beau le progrès.

La machine tourne maintenant autour de moi.

Je ressors du tunnel.

 

-          A trois ?

-          Un, deux, et trois.

Je me retrouve sur un autre  lit.

Couloir, ascenseur, couloir,  étage où tout est neuf, chambre.

Tout ici sent le neuf.

Ici, c’est plus calme.

-          Salut !

-          Salut

J’ai un voisin de chambre ?

Je ne le vois pas, un grand rideau nous sépare.

Une blouse blanche un docteur (chirurgien) vient me voir m’explique qu’il s’agit de la vertèbre L1 qui est fracturée, tassée ….

-          Voilà il faut rester couché, immobile

-          Ah ?

-          J’ai déjà commandé un corset pour vous, mais avec les fêtes, demain c’est Noel alors les fournisseurs sont fermés.

-          La semaine prochaine sans doute.

-          Ok, merci.

 

Un deux trois ?

Je dors pour ne plus être là.

 

Je resterai une semaine où rien de spécial ne se passe.

Mes amis proches viennent me rendre visite, j’arrive même à les faire rigoler en jouant avec mon lit électrique !

Grace à la technologie de Skype j’arrive à parler un peu avec mon fils  Jim et ma fille Stéphanie qui sont en France.

Après une semaine s’en suit six semaines à rester couché dans la cabine arrière sans bouger avec un corset…

Les nuits et les jours s’enchainent sans vraiment de différence pour moi.

Je dors par épisode entre un livre, une revue, un film sur internet.

Je confonds la nuit et le jour.

Le temps passe, passe.

Dehors il fait froid, très froid même.

Marie doit tout faire, remplir l’eau des tanks, prendre du gasoil pour que le chauffage ne s’arrête pas.

Les matins succèdent aux nuits, encore et encore…

Je suis abruti par les médicaments puissants qui contiennent de la morphine.

Je me rue littéralement avant l’heure de la prise trois fois par jour.

Quelque chose cloche.

Marie me conduit chez un médecin dans le coin.

·         Il faut arrêter tout de suite cela vous êtes en train de vous intoxiquer !

Je vous fais une prescription pour vous sevrer.

S’en suit pour moi trois jours d’enfer.

Le temps passe, encore et encore.

Nous sommes début mars, visite de contrôle à l’hôpital scanner, radio, médecin.

La L1 est restée tassée à 50% !

Maintenant je vais chez Laurent le kiné trois fois par semaine.

Le courant est tout de suite bien passé, quelqu’un de chouette et de très compétent.

Merci Laurent !

Voilà je commence un peu à bouger en essayant de faire semblant de ne rien porter…

Jour après jour je me reconstruis avec l’aide de Marie et beaucoup de volonté de ma part.

Pour ceux qui parcourent ces quelques lignes je voudrais préciser pour ceux qui auraient un grand projet en cours que ce que j’écris est un témoignage mis en partage avec vous.

Pourquoi ?

La préparation d’un voyage, d’un grand projet fait elle-même partie du voyage.

Tout doit se tenir, toutes ces étapes font déjà partie de notre route.

Certains pensent que notre choix n’est que facilités et fuite.

Sur notre blogs je suis bien certains que dès l’apparition de belles photos avec une belle lumière, et un beau soleil beaucoup vont trouver notre vie facile.

Si c’est aussi facile…

Faites-le.

N’attendez pas.

Le temps passe trop vite pour qui a une passion et des rêves.

 

Commenter cet article
G
<br /> Meme si nous ne sommes pas venu te voir on était de tout coeur avec toi.<br /> <br /> <br /> Soit prudent commeme pendant ton periple avenir<br /> <br /> <br /> GG<br />
Répondre

Archives

À propos

Vivre autrement, vivre sur un voilier, restaurer et entretenir un voilier. Vivre à bord d'un voilier et naviguer.